Coronavirus : comparaison de l’épidémie dans 5 pays

J’entends et je lis beaucoup de choses à propos de l’épidémie, les gens croient, les gens doutent, les gens partagent… Avec mon esprit résolument scientifique, j’ai voulu vérifier par moi-même. La seule chose que je ne sois pas en mesure de vérifier, ce sont les chiffres annoncés, donc j’ai choisi une source réputée fiable, j’ai compilé leurs données, et j’ai décidé de leur faire confiance.

Les chiffres qui sont analysés dans cet article sont publiés quotidiennement par l’Université Johns Hopkins de Baltimore. Ils représentent l’évolution de l’épidémie du 22.01.20 au 28.03.20, en France, Italie, Espagne, Corée du Sud, et Chine.

Pourquoi ce choix de pays ?

La France bien entendu parce que c’est le pays qui me concerne le plus.

L‘Italie et l’Espagne pour nous donner un aperçu de l’évolution de l’épidémie dans des pays proches qui ont été touchés un peu avant nous, et ont mis en place des mesures très similaires aux nôtres.

La Chine car c’est la source de l’épidémie, et donc le pays qui a connu la plus longue crise sanitaire. Je compare également séparément les chiffres concernant la seule province du Hubeï, car vous le verrez, ils donnent un point de comparaison fiable et un bon éclairage sur ce qui peut être fait à l’échelle d’un pays.

Et enfin, la Corée du Sud, car elle a adopté une stratégie radicalement différente. Là-bas, pas de confinement généralisé. La population est extrêmement surveillée : prises de température dans les espaces publics, caméras à infrarouge, dépistage de masse, détection, pistage et publication systématique des déplacements des personnes testées positives au virus, désinfection des lieux contaminés ou à risque… D’autres rares pays l’ont fait, mais pour plus de clarté, j’ai choisi de me limiter à la Corée du Sud.

L’évolution du nombre de décès du 22.01.20 au 29.03.20

Comme vous pouvez le voir sur ce graphique, les situations sont très différentes. L’Italie et l’Espagne ne parviennent pas à maîtriser l’épidémie. Non seulement le nombre de décès augmente, mais en plus cette augmentation s’accentue de jour en jour.

La Chine a clairement réussi à controler l’épidémie, puisqu’un mois après le début de son confinement, le nombre de décès s’est stabilisé. On remarque également que la courbe de la Province du Hubeï représente à elle seule quasiment toute l’épidémie chinoise. Cela signifie que le confinement a réussi à éviter la propagation à l’ensemble du pays, ce qui, c’est certain a beaucoup facilité la gestion de la crise. La province du Hubeï représente environ 60 millions d’habitants, comme l’Italie, alors que la Chine en compte près de 1,4 milliards!

La Corée du Sud a totalement maîtrisé l’épidémie, sans bloquer son économie : à ce jour seulement 144 morts, 40 fois moins que l’Espagne, pour une population sensiblement équivalente, et une épidémie qui dure depuis bien plus longtemps.

Une comparaison plus juste de la situation : le taux de décès

Si la comparaison du nombre de cas détectés n’a aucun sens, la comparaison du nombre de décès par pays est également trompeuse. A regarder le premier graphique, on a l’impression que seule la méthode coréenne est réellement efficace. Or, il est injuste de comparer le nombre de décès entre un pays de 1,4 milliards d’habitants, qui n’a de plus pas eu d’exemple avant lui pour se préparer, et un pays de 60 millions d’habitants qui savait un peu mieux à quoi s’attendre. En ramenant le nombre de décès à la population de chaque pays, au 28.03.20, la Chine ne compte que 2,38 morts par million d’habitants, la Corée du Sud 2,8, la France 34,54, l’Espagne 128,2, et l’Italie 165,72!

Cependant, comme nous allons le voir au point suivant, la comparaison est toujours faussée.

Une comparaison sans décalage dans le temps

 

Un dernier élément fausse la comparaison : les épidémies sont décalées dans le temps. La Chine a été touchée bien avant la France par exemple. Pour faciliter la comparaison, j’ai donc choisi de créer un graphique présentant des courbes recalées dans le temps, comme si l’épidémie avait touché tous ces pays au même moment. A noter que la province du Hubeï n’apparaît plus sur ce graphique, car les chiffres dont je dispose ne couvrent pas l’épidémie assez tôt pour qu’elle intègre la comparaison de façon équitable.

La méthode que j’ai choisie, et qui est évidemment imparfaite comme toute statistique, est de démarrer la courbe de chaque pays au jour où le taux de décès a atteint les 0,2 pour 1 million. J’ai choisi le taux de décès, et non pas le nombre de décès pour les raisons évoquées plus haut.

A la lumière de ce nouveau graphique, il en ressort bien plus nettement ce qui se détachait déjà dans le graphique précédent : si l’Italie semble être aujourd’hui le pays le plus dépassé par l’épidémie, l’Espagne est en réalité dans une situation bien pire, avec une épidémie qui progresse beaucoup plus rapidement. Les chiffres au bout de 3 semaines d’épidémie dans chaque pays étaient de 1,57 décès par million d’habitants pour la Corée du Sud, 1,76 pour la Chine, 34,54 pour la France, 41,39 pour l’Italie, et 110,12 pour l’Espagne.

Les jours prochains seront décisifs pour la France : nous allons voir si les mesures de confinements prises il y a une dizaine de jours ont eu les effets escomptés et ont permis de limiter l’accélération de l’épidémie ou pas. En effet, toute mesure prise n’a pas une influence immédiate en raison de la période d’incubation du virus : les décès constatés aujourd’hui sont le résultat d’une contamination qui a eu lieu il y a plusieurs semaines. Pour l’instant, nous semblons prendre le même chemin que l’Italie malheureusement.

Les différentes méthodes et leurs effets

Force est de constater que les méthodes utilisées dans ces 3 pays européens fonctionnent pour l’instant très mal en comparaison des méthodes asiatiques.

La Chine nous montre un exemple de confinement où l’épidémie a réellement été confinée à un territoire restreint, et n’a pas atteint le reste du pays. Cette méthode a eu un triple effet positif : limiter le nombre de cas, limiter la saturation des hôpitaux et donc les morts liés à une priorisation des malades, et enfin permettre de concentrer les efforts de tout un pays sur une zone géographique et une population restreintes. Les pays européens ont laissé la maladie atteindre l’ensemble du territoire et se retrouvent aujourd’hui saturés de cas graves, ce qui ne permet pas de les traiter correctement.

La Corée du Sud a également réussi sa gestion de crise sanitaire par le ciblage du confinement. Effectivement, confiner 65 millions de français, dont s’il le faut les 3/4 ne sont pas contaminés, est inutile. La seule raison de confiner tout le monde, c’est que nous n’avons pas mis en oeuvre les moyens nous permettant de localiser les personnes contaminées. Nous affrontons donc un ennemi invisible en le combattant partout où il n’est pas, au lieu de rendre l’ennemi visible pour l’éliminer là où il se cache.

Avions-nous le choix ?

Peut-on pour autant souscrire aux théories complotistes qui avancent que l’épidémie est maintenue car elle arrange certaines personnes, particulièrement les laboratoires pharmaceutiques ? Je n’en suis pas arrivé à cette conclusion pour ma part.

S’il est vrai que les décisions prises pendant la gestion de cette crise sanitaire ne permettent pas de la maintenir sous contrôle, je vois au moins 3 arguments qui peuvent en expliquer une partie.

Tout d’abord, les moyens dont on dispose.
Le nombre de lits a considérablement baissé ces dernières années, et au début de l’épidémie, la France ne comptait que 5000 lits en réanimation sur tout le territoire, l’objectif étant d’atteindre rapidement les 14500 lits. Quant au nombre de respirateurs, on ne le connait pas. Tout juste sait-on que 1000 respirateurs ont été commandés à la société française Air Liquide, et qu’ils seront visiblement produits au mieux d’ici fin Avril.
Les masques, nécessaires pour ralentir la propagation du virus quoi qu’on puisse entendre à ce sujet, étaient en quantité insuffisante. Le stock de masques qui était de 1 milliard il y a une dizaine d’années n’était plus que de moins d’une centaine de millions au début de l’épidémie…soit de quoi tenir une semaine seulement. Il n’a pas été renouvelé pour des raisons budgétaires.
Le personnel de santé, sans qui tout le matériel du monde serait parfaitement inutile, travaillait déjà dans des conditions de sous-effectif permanent. Les contaminations inévitables par le coronavirus, ainsi que la surcharge de travail ne peuvent qu’aggraver la situation. Et s’il faut 2 mois pour fabriquer 1000 respirateurs, la formation d’infirmiers et de médecins, elle, n’est pas envisageable dans l’urgence.
Est-il déraisonnable de penser que si les conditions réunies n’étaient pas propices aux soins des malades, le dépistage de masse était également impossible pour des questions de moyens?

Ensuite, le comportement de la population. Il est clair qu’encore aujourd’hui, beaucoup de personnes refusent le confinement. Pourtant, les morts sont là : 2314 au 28.03.20, on le sait, on en parle. L’arrêt du pays aurait-il été accepté par la population 2 ou 3 semaines plus tôt, alors que l’épidémie semblait lointaine? Je ne le pense pas. Les mesures qui sont aujourd’hui prises en situation d’urgence auraient-elles été possibles de manière préventive? Il n’y a qu’à voir les événements improbables qui se sont déroulés en France alors que l’épidémie avait déjà commencé.
Du 24.02.20 au 27.02.20, un rassemblement évangélique de 2500 personnes venues de toute la France, à Mulhouse, qui aurait contaminé pratiquement tous les participants et disséminé le virus dans tout le pays.
Le 29.02.20, un rassemblement de 120000 personnes à Perpignan, dont beaucoup d’espagnols, alors qu’il y avait déjà 100 cas testés positifs en France et 45 en Espagne.
Le 07.03.20, un rassemblement de 3549 personnes déguisées en Schtroumpfs, à Landerneau, en Bretagne,  alors qu’il y avait déjà 949 cas testés positifs et 11 morts dans notre pays.
Le 15.03.20, le vote de 20,5 millions d’électeurs, alors qu’il y avait déjà 5423 cas testés positifs et 127 morts autour de nous (cf. Coronavirus : je n’irai pas voter).

Et enfin, la volonté d’éviter la panique, qui peut aussi causer des dégâts. De nombreux mensonges ont été proférés. La situation a été maintes fois minimisée, parfois pour de mauvaises raisons (cf. Coronavirus : la santé après la politique), et cela a eu des conséquences (cf. Coronavirus : la santé après la politique (suite)). Il y a tout de même une raison qui peut être comprise : le président, suivi par 35 millions de personnes, annonçant en direct que la France n’a pas anticipé l’épidémie, n’a pas les moyens de lutter, va devoir sacrifier son économie pour éviter l’hécatombe, sans pour autant sauver autant de vies que ce qui aurait été possible, risque de se retrouver avec un approvisionnement limité dans les magasins, n’aura pas les moyens de compenser les pertes pour la population…il y a de quoi créer un vent de panique dans le pays.

Dans ces conditions, comment lutter contre cette épidémie? Alors certes la responsabilité en revient aux politiques de santé publique qui ont été menées depuis des décennies, mais le temps de la recherche des responsables n’est pas encore arrivé. Pour le moment, il faut faire au mieux avec les moyens limités dont nous disposons, nous n’avons pas le choix. Il est illusoire de penser que nous pourrons échapper à l’épidémie. Un seul cas peut contaminer des centaines de personnes avant d’être détecté, et aucune frontière n’a jamais été “imperméable”. Le seul but de toutes les mesures prises est de laisser le nombre de cas atteindre la saturation des hôpitaux sans (trop) la dépasser. Aujourd’hui, nous en sommes à 85% d’occupation des lits en réanimation, nous allons vers les 4500 patients. Les objectifs de 14500 lits nous donnent une idée de ce qui est à venir : un triplement prévu des cas (et donc des décès, si aucun traitement n’est trouvé) pour atteindre les 900 morts par jour…comme l’Italie aujourd’hui. La contamination de masse fera le reste en protégeant la population. Pendant combien de temps ? Nous ne le savons pas. A quel prix ? Bien trop cher, dans tous les domaines…